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Victor Orbán rappelle que les grands conflits se règlent par la diplomatie

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Dès sa prise de fonction à la présidence du Conseil de l’Union européenne, début juillet, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán s’est rendu à Kiev pour discuter de paix avec le président ukrainien Zelensky, puis à Moscou pour faire de même avec le président russe Poutine. Déjà, le 8 mars, Orbán s’était entretenu à propos de la guerre avec Donald Trump à Mar-a-Lago. Après sa visite à Moscou, il a été reçu à Beijing par le président chinois Xi Jinping.

Quoi que l’on pense des autres positions du Premier ministre hongrois (par exemple, son soutien inconditionnel à l’opération génocidaire de Netanyahou à Gaza ou sa politique férocement anti-migrants…), par cette initiative, Orban, rappelle — ô scandale — qu’à l’ère des armes nucléaires, les conflits doivent se régler par la diplomatie ! Si Orbán a agi seul, on doit saluer son courage. S’il s’est prêté au rôle de médiateur, cela pourrait signifier le début d’une évolution majeure.

De très nombreuses étapes sont nécessaires pour se rapprocher de la fin de la guerre. Cependant, nous avons fait le pas le plus important : nous avons établi le contact, a expliqué Victor Orbán sur son compte X. (…) J’ai conclu mes entretiens à Moscou avec le président Poutine. Mon objectif était d’ouvrir les canaux de communication directe et d’entamer un dialogue sur le chemin le plus court vers la paix. Mission accomplie !

Le 5 juillet, le jour même de sa rencontre à Moscou avec Poutine, aux États-Unis, Newsweek publiait une tribune du Premier ministre hongrois, intitulée « L’objectif de l’Otan est la paix, pas la guerre sans fin ». Précisons que Newsweek a été l’un des rares grands médias occidentaux à faire connaître aux Américains les conditions posées par le président russe, le 14 juin, pour mettre fin au conflit ukrainien en créant une nouvelle architecture de sécurité pour toute l’Europe, en interviewant l’ambassadeur russe Anatoly Antonov sur le sujet.

" L’Otan approche d’un moment décisif, écrit Orbán. Il convient de rappeler que l’alliance militaire la plus réussie de l’histoire du monde a commencé comme un projet de paix, et que son succès futur dépend de sa capacité à maintenir la paix. Mais aujourd’hui, au lieu de cela, l’ordre du jour est la poursuite de la guerre ; au lieu de la défense, c’est l’attaque. Tout cela va à l’encontre des valeurs fondatrices de l’Otan (…). Aujourd’hui, de plus en plus de voix au sein de l’Otan plaident en faveur de la nécessité, voire de l’inévitabilité, d’un affrontement militaire avec les autres centres de pouvoir géopolitiques du monde. Cette perception d’affrontement inévitable fonctionne comme une prophétie qui se réalise à force d’y croire. Plus les dirigeants de l’Otan croient que le conflit est inévitable, plus ils contribueront à le précipiter."

Citant l’historien britannique Arnold Toynbee, qui soutenait que « les civilisations meurent par suicide, non par meurtre », le Premier ministre hongrois explique que la principale menace qui pèse sur l’Otan vient non pas de l’extérieur mais de l’intérieur.

"Aucun ennemi extérieur, s’il a un peu de bon sens, n’osera lancer une attaque contre un pays membre de l’Otan, écrit-il. Mais nous devrions vraiment redouter notre propre rejet des valeurs qui ont donné naissance à notre alliance. L’Otan a été créée pour assurer la paix dans l’intérêt d’un développement économique, politique et culturel stable. Elle remplit son objectif lorsqu’elle gagne la paix, pas la guerre. Si elle choisit le conflit au lieu de la coopération, et la guerre au lieu de la paix, elle se suicidera.

L’« effet Orbán »

Le même jour, dans son premier discours public depuis qu’il a été blessé lors d’une tentative d’assassinat, le 15 mai dernier, le Premier ministre slovaque Robert Fico a déclaré que, si sa santé le lui avait permis, il aurait accompagné son homologue hongrois à Moscou.

Face aux hurlements des bellicistes et autres européistes, furieux de l’initiative diplomatique d’Orbán, Fico a rétorqué : « Il n’y a pas assez, je le répète, pas assez de pourparlers de paix, d’initiatives de paix. »

Dans la Bulgarie voisine, le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Dimitar Glavchev, a déclaré qu’il comptait offrir à l’Otan, la semaine prochaine, les services de son pays pour la médiation du conflit russo-ukrainien.

Et le 4 juillet, de retour de la réunion du Conseil des chefs d’État de l’OCS à Astana, le président turc Recep Tayyip Erdogan (qui avait servi de médiateur dans les négociations russo-ukrainiennes en 2022, jusqu’à ce que le Premier ministre britannique Boris Johnson se rende à Kiev pour les saboter) s’est prononcé fermement en faveur d’une solution diplomatique :

"Cette bataille ne profite ni à la Russie ni à l’Ukraine. Les seuls vainqueurs de la guerre sont les marchands de sang et de mort. Je veux croire que l’on peut maintenant réduire les tensions et construire les bases de la paix. Nous sommes prêts à faire notre part, comme nous l’avons fait jusqu’à aujourd’hui, pour créer et protéger ce terrain."

L’« effet Orbán », si on peut en parler ainsi, consiste à faire entendre l’évidence, c’est-à-dire que l’effusion de sang et l’épreuve de force thermonucléaire n’ont d’autre aboutissement que l’autodestruction, et que seule la voie diplomatique peut et doit prévaloir.

Le retour de Trump

Orbán voit sa présidence du Conseil européen dans le cadre du retour, de plus en plus probable, de Donald Trump à la présidence américaine. Les deux hommes se connaissent et pour le dirigeant hongrois, Trump est « l’homme de la paix  ». Orban a d’ailleurs, en partie par pure provocation, inscrit sa présidence sous un slogan clairement trumpien : « Make Europe Great Again !, »

Le 8 mars, Orbán s’était entretenu avec Trump à propos de l’Ukraine à Mar-a-Lago et il rapporte qu’à l’époque, Trump menaçait de couper tout financement à l’Ukraine si Zelenski refusait d’entamer des négociations directes avec la Russie.

Plus récemment, le 25 juin, comme le précise Politico en se basant sur Reuters,

"deux conseillers de Trump, le lieutenant-général à la retraite Keith Kellogg et Fred Fleitz, qui ont tous deux fait partie de son Conseil de sécurité nationale et sont maintenant au groupe de réflexion conservateur America First Policy Institute (AFPI, ont élaboré un cadre pour mettre fin à la guerre, qui impliquerait de dire à l’Ukraine qu’elle ne recevra plus d’aide américaine que si elle entame des pourparlers de paix avec la Russie.

Selon le plan élaboré par ces deux conseillers, « il y aurait un cessez-le-feu basé sur les lignes de bataille prévalant pendant les pourparlers de paix  », a déclaré Fleitz, ajoutant qu’ils avaient présenté leur stratégie à Trump et que le candidat républicain à la présidence y avait répondu favorablement. « Je ne prétends pas qu’il ait été d’accord avec cette stratégie ou qu’il en ait approuvé chaque mot, mais nous avons été heureux d’obtenir les réactions que nous avons eues », a-t-il précisé.

Il est remarquable qu’il ait fallu attendre la perspective de l’élection potentielle de Trump et l’arrivée d’un Orbán à la présidence tournante du Conseil de l’UE, ainsi que le soutien des trois dirigeants cités ci-dessus, originaires d’Europe centrale, et non d’Allemagne, de France ou d’Italie, pour remettre la diplomatie à l’ordre du jour...